Chapitre 4: DROIT ET JUSTICE - Philosophie Terminale D | DigiClass
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DROIT ET JUSTICE

I.  INTRODUCTION

Lors de l'insurrection populaire on pouvait entendre scander en cœur: «justice pour Norbert Zongo ! Justice pour Thomas Sankara ! Justice pour Justin Zongo!». Cette
revendication se présente comme une forte aspiration sociale : rétablir un tort, faire payer uncrime. Si la justice est si importante c'est que chacun de nous pense en avoir le droit, pense pouvoir la réclamer et même l'exiger. Ce droit à la justice et aussi une invite à la droiture pour ne pas soi-même subir les foudres de la justice. Pour un citoyen droit et justice sont les deux faces d'une même pièce, dont réciproquement il peut faire l'objet ou en être le sujet. Pour connaître le droit et la justice il devient impératif de comprendre exactement ce que signifient ces deux notions. De savoir distinguer par la suite les lois naturelles et les positives. Il conviendrait également d'envisager les limites de la loi et de comprendre comment faire régner la justice.

II.  DEFINITION

Du latin justus (qui observe le droit, équitable), la justice désigne en philosophie le caractère de ce qui est conforme au droit et non pas l'autorité judiciaire qui est chargée de la
rendre.
Du latin directus (qui est en ligne droite, ordonné), le droit s'entend quant à lui de deux manières:

  • premièrement le droit positif désigne l'ensemble des lois écrites et des règles juridiques en vigueur dans un état ou dans une communauté d'États, c'est-à-dire le droit tel qu'il est posé dans les faits par le législateur (droit public, droit privé, droit des affaires, droit de succession etc.) ;
  • deuxièmement le droit naturel désigne l'ensemble des lois universelles inscrites dans la nature de l'homme et accessible par la raison qui sert généralement de fondement moral au droit positif (les droits de l'homme, le respect, la morale etc.).

Lorsqu'elle désigne la conformité au droit positif la justice relève de ce qui est légal, et lorsqu'elle désigne la conformité au droit naturel la justice relève de ce qui est légitime.

III.  QU'EST-CE QU'UNE LOI ?

A.  Loi naturelle et loi positive

Dans $\textbf{De l'esprit des lois}$, Montesquieu écrit « les lois dans la signification la plus étendue, sont les rapports nécessaires qui dérivent de la nature des choses » ; en ce sens tous les êtres ont leurs lois (la nature, les hommes, les dieux, etc.). Montesquieu distingue toutefois deux grandes catégories de loi.
D'une part les lois naturelles « sont celles de la nature, ainsi nommées parce qu'elles dérivent uniquement de la constitution de notre être » : il s'agit selon lui, de l'instinct de paix, de l'instinct de conservation, de la recherche de l'autre sexe et le désir de vivre en société.
D'autre part les lois positives sont celles qui s'établissent parmi les hommes pour sortir de l'état de guerre : en ce sens « la loi en général est la raison humaine en tant qu'elle
gouverne tous les peuples de la terre, et les lois politiques et civiles de chaque nation ne doivent être que des cas particuliers où s'applique cette raison humaine».
Montesquieu appelle esprit des lois l'ensemble des conditions auxquelles les lois doivent se rapporter selon les caractéristiques du pays où elles s'exercent (la religion, les mœurs, le climat etc.).

B.  La loi est l'expression de la volonté générale

Dans la sixième des $\textbf{lettres écrites de la montagne}$, Rousseau écrit « et qu'est-ce qu'une loi ? C'est une déclaration publique et solennelle de la volonté générale sur un objet d'intérêt commun ».
En effet, dans $\textbf{Du contrat social}$, il précise «quand tout le peuple statue sur tout le peuple » alors « la matière sur laquelle on statue est générale comme la volonté qui statue. C'est cet acte que j'appelle une loi». Notez qu'il ne s'agit pas là d’une loi de la nature, mais bien d'une loi de l'État : «j'appelle donc République tout Etat régi par des lois car alors seulement l'intérêt public gouverne».

IV.  LES LIMITES DE LA LOI

A.  La relativité du droit et la justice conventionnelle

Dans ses $\textbf{Pensées}$, Pascal critique la relativité des lois qui changent d'un pays à un autre « on ne voit rien de juste ou d’injuste qu'il ne change de qualité en changeant de climat. Trois degrés d'élévation du pôle renverse toute la jurisprudence, un méridien décide de la vérité ».
Mais cette relativité dans l'espace se double d'une relativité dans le temps « suivant la seule raison, rien n'est juste de soi, tout branle avec le temps». Par conséquent, la justice est toujours conventionnelle et jamais universelle, puisqu'elle dépend des coutumes d'où la célèbre formule de Pascal «plaisante justice qu'une rivière borne ! Vérité au-deçà des Pyrénées erreur au-delà».

B.  L'étalon du droit naturel

Selon $\textbf{Leo Strauss}$ dans $\textbf{Droit naturel et histoire}$, «le besoin du droit naturel est aussi manifeste aujourd'hui qu'il l'a été durant des siècles et même des millénaires ». En effet si l'on rejette le droit naturel alors on réduit le droit au simple droit positif établi par les législateurs et les tribunaux.
Or « il est parfaitement sensé et parfois même nécessaire de parler de lois et les décisions injustes ». Mais cela n'est possible que grâce à un étalon (référence) du juste et de l'injuste, qui est indépendant du droit positif et lui est supérieur: Un étalon grâce auquel nous sommes capables de juger le droit positif. Cet étalon c'est précisément le droit naturel.

V.  FAIRE RÉGNER LA JUSTICE

A.  Justice et équilibre: L'harmonie dans la cité

Pour $\textbf{Platon}$ la justice est l'une des quatre vertus cardinales qui définissent la cité idéale. En effet, il écrit dans $\textbf{la République}$ qu'une cité correctement fondée sera absolument excellente si elle « est sage, courageuse, tempérante et juste ».
Dans ces conditions « la justice consiste à ne détenir que les biens qui nous appartient en propre et à n’exercer que notre propre fonction ». En effet « quand la classe des hommes d'affaires (commerçants), celle des militaires auxiliaires (guerriers), et celle des gardiens (gouvernants), exerce chacune leur propre fonction et ne s'occupe que de cette fonction », alors on peut parler d'une cité juste.
Pour Platon la justice dans la cité est l'harmonie des trois classes, de même que dans l'individu elle est l'harmonie des trois parties de l'âme (désir cœur raison).

B.  Justice distributive et justice commutative

Dans $\textbf{l'éthique à Nicomaque Aristote}$ écrit : « le juste est ce qui est conforme à la loi et ce qui respecte l'égalité et l’injuste et ce qui est contraire à la loi et qui manque à l'égalité». La justice est donc liée à l'équité qui consiste à déterminer ce qui est dû à chacun selon un principe d'égalité. Aristote distingue alors deux sortes de justice qui reposent sur deux modèles différents de l'Égalité.
La justice distributive est « celle qui intervient dans la distribution des honneurs ou des richesses, ou des autres avantages qui se répartissent entre les membres de la
communauté politique». Elle doit se baser sur un mérite de quelque sorte, en proportion duquel se répartissent ses honneurs et ses richesses «le juste en question et ainsi proportion, et l’injuste ce qui est en dehors de la proportion ». C'est-à-dire soit le trop soit le trop peu. Ce type d'égalité proportionnelle et une égalité géométrique.
La justice corrective ou commutative et « celle qui réalise la rectitude dans les transactions privées » c'est-à-dire celle-là qui corrige, rectifie ou encore commue les inégalités produites par les gains et les pertes dans les échanges commerciaux. En ce sens « le juste est moyen entre une sorte de gain et une sorte de perte » et dans les transactions et consiste à posséder après une quantité égale à celle qui était auparavant. Dans ce cas c'est le juge qui restaure l'égalité au sens de légalité selon la proportion arithmétique.

VI.  CONCLUSION

En conclusion la justice et le droit sont liés car ce qui est juste doit être conforme au droit et ce qui est droit doit relever de la nature humaine, ou des prescriptions juridiques.
Tous ces éléments s'appuient sur des lois qui émanent soit de notre nature soit du besoin de relations Pacifiques (Montesquieu), ou encore émaner de la volonté générale (Rousseau). Mais les lois présentent des limites telles que leur relativité dans le temps et dans l'espace (Pascal), et aussi le recours au droit naturel (Léo Strauss). A la question comment faire régner la justice on répondra qu'il faut l'équilibre dans la cité (Platon) et que chacun ait en fonction de ses actes soit ce qu'il mérite soit ce qui lui revient de droit (Aristote). Il faut alors veiller à ce que la loi s'applique à tous sans distinction. Il faut aussi que la loi sache au besoin être ferme et dans de rares circonstances être souple.

 

$\textbf{Citations}$

« Si la justice disparaît, c'est une chose sans valeur que les hommes vivent sur terre.» Emmanuel Kant
« Ne jugez pas ! Afin que vous ne soyez pas jugés.» nouveau testament Matthieu 7 verset 1
« Et si vous craignez de n'être pas juste envers les orphelins,. . . Il est permis d'épouser deux trois ou quatre parmi les femmes qui vous plaisent, mais si vous craignez de n’être pas justes avec celles-ci, alors une seule ou des esclaves que vous possédez. Cela afin de ne pas faire d’injustice.» Sourate 4 verset 3
« En vieillissant on s'aperçoit que la vengeance est encore la forme la plus sûre de la justice.» Henri-Becque
« Maudit soit celui, qui déplace la borne. Une seule mauvaise sentence fait plus de mal que de nombreux mauvais exemples ». Bacon

$\textbf{Sujets de réflexion}$

- Qu'est-ce que la justice?
- Qu'est-ce que le droit?
- Le respect du droit nous met-il à l'abri de toutes les justices ?
- Faut-il appliquer la loi à la lettre ?
- Le droit est-il l'instrument du fort ou la défense du faible ?
- Obéir à une loi est-ce renoncer à sa liberté fondamentale ?