LA CONSCIENCE ET INCONSCIENT
I. INTRODUCTION
De manière très ancienne la philosophie accordait une très grande place à la pensée ou encore à la conscience. Socrate déjà insistait sur son $\textbf{« connais-toi toi-même »}$. Descartes plus tard affirmera avec certitude son fameux $\textbf{« cogito ergo sum »}$ $\textbf{(je pense donc je suis)}$. Enfin on peut faire référence à Blaise Pascal et son fameux $\textbf{« roseau pensant »}$. Pour tous ces auteurs la conscience détermine l'être humain. Mais au quotidien nous nous rendons bien compte que nos pensées et même nos actions échappent bien souvent à notre conscience. C'est le cas par exemple des rêves, des lapsus, des oublis et autres actes manqués. Ces éléments semblent ne pas être sous notre contrôle. C’est ce qui fait dire à Freud que « le moi n'est pas maître dans sa propre maison ». Qui est alors le maître ? Pour le découvrir il faudra étudier séparément la conscience et l'inconscient. D'abord pour la conscience après la définition mon distinguerons la conscience empirique et la conscience réflexive ; puis on mettra en évidence les liens que la conscience entretient avec d'un côté la subjectivité et l'intentionnalité, et de l'autre avec la liberté et la responsabilité. Ensuite pour l’inconscient la définition laissera place aux notions d'inconscient physique et d'inconscient psychique, il faudra alors connaître les motifs du divorce entre la philosophie et la psychanalyse. Enfin nous irons vers une conception psychanalytique du sujet.
II. LA CONSCIENCE
A. Définition
Du latin cum qui signifie avec et scientia qui désigne le savoir la connaissance. Leterme conscience désigne une propriété que l'être humain a en commun avec les animaux (du moins jusqu'à un certain point) et qui consiste en une sorte de savoir ajouté. $\textbf{Être conscient en effet cela signifie agir sentir ou penser et en plus savoir que l'on agit, que l'on sent ou}$ $\textbf{que l'on pense.}$
Par conséquent $\textbf{la conscience et une propriété que nous avons de vivre en ayant une connaissance}$ $\textbf{immédiate de ce qui nous arrive.}$ C'est par exemple un tel savoir que nous perdons comment nous disons que nous perdons connaissance comme dans le cas d'un profond coma du sommeil ou de l'évanouissement.
B. Conscience empirique et conscience réflexive
1. Conscience empirique
La conscience empirique correspond au niveau minimal de la conscience. Elle est fondamentalement liée à la perception dont elle produit le résultat, parce que le savoir auquel elle donne accès est un savoir issu des cinq sens donc c'est un savoir perçu. Par exemple si un chat mange des croquettes ou une souris non seulement il sait qu'il exécute une action, celle d’ingérer un aliment. Mais il est conscient de cette action par cette perception : il sait qu'il mange il en a une sorte de connaissance sensitive.
En ce sens l'animal a bien une conscience, c'est toujours une conscience empirique c'est-à- dire subordonnée à la perception immédiate et à l'expérience sensible. On peut aussi affirmer que la conscience empirique liée aux sens est commune à l'homme et à l'animal.
2. La conscience réflexive
Parce qu'il possède la faculté de penser, l'homme accède à un niveau supérieur de conscience qui lui permet d'avoir une représentation de lui-même comme s'il se réfléchissait dans un miroir. C'est ce qu'on appelle la conscience réflexive ou encore conscience de soi, c'est-à-dire la capacité que l'être humain de se prendre de se prendre lui-même comme objet de conscience par un mouvement de retour sur soi.
Dans $\textbf{l'Esthétique}$ Hegel écrit à ce propos : « l'homme parce qu'il est esprit a une double existence d'une part il existe au même titre que les choses de la nature, mais d'autre part il existe aussi pour soi, il se contemple, se représente à lui-même, se pense et n’est esprit que par cette activité qui constitue un être pour soi.
Selon Hegel en effet il y a deux mode d'existence l’en-soi qui est le mode d'existence des choses de la nature (végétaux animaux minéraux) en tant qu'elles sont soumises à l'immédiateté et dépourvues de conscience de soi et le pour-soi qui est le mode d'être propre à l'homme en tant qu'il a conscience de lui-même et du monde qui l'entoure.
$\textbf{On peut ainsi affirmer que la conscience réflexive et une particularité singulière de être humain qui seul la possède.}$
C. CONSCIENCE SUBJECTIVITÉ INTENTIONNALITÉ.
1. Le cogito ou la découverte du sujet
La question ici est très simple : comment savons-nous que nous sommes des sujets ? La réponse de Descartes et que c'est grâce à notre cogito que nous pouvons saisir le monde que nous pouvons nous comprendre nous-mêmes. La pensée est-ce que se manifeste à notre conscience et délimite ainsi notre intériorité. Nous nous saisissons en tant que sujet unique seul à travers la pensée. Il affirme ainsi « par le nom de penser je comprends tout ce qui est tellement en nous que nous en sommes immédiatement connaissants».
Selon Kant dans la critique de la raison pure la diversité de mes représentations ne peut constituer un moi unique et identique qu’à une seule condition « le je pense doit pouvoir accompagner toutes mes représentations». Cela signifie que les diverses représentations se lient ensemble en une conscience générale de soi. Cette synthèse est réalisée par le je pense.
$\textbf{Selon Kant le sujet n'est pas unique et seul il est construit par le monde qui l'entoure par ses représentations.}$
2. L'intentionnalité : sujet et objet du monde
Dans les méditations cartésiennes Husserl écrit: « le mot intentionnalité n’est rien d'autre que cette propriété foncière et générale qu’a la conscience d'être conscience de quelque chose, de porter en sa qualité de cogito son cogitatum en elle-même». Pour Husserl en effet conscience et synonyme de cogito et en tant que telle la conscience n'est jamais je pense vide. Il y a toujours quelque chose que je pense c'est ce qu'on appelle le cogitatum c’est-à-dire un objet de conscience, cela signifie que la conscience a toujours un objet qu'elle vise comme son intention cela signifie donc que la conscience existe nécessairement comme conscience d'autre chose qu'elle même au sens où il n'y a pas de conscience sans objet. Ce qui fait dire à Huuserl que « toute conscience est conscience de quelque chose».
$\textbf{En d'autres termes la conscience fait de nous à la fois des objets et les sujets du monde}$.
D. CONSCIENCE LIBERTÉ ET RESPONSABILITÉ
1. CONSCIENCE ET CHOIX : la liberté
Depuis le moyen-âge la volonté ou libre arbitre désigne cette propriété qu’à la conscience humaine de se terminer elle-même en dehors de toute contrainte extérieure. Dans la quatrième des méditations métaphysiques Descartes lui donne le nom de puissance délire. C'est-à-dire la faculté de choisir il écrit ainsi que « la volonté consiste seulement en ce que nous pouvons faire une chose ou ne pas la faire de telle sorte que aucune force extérieure nous y contraigne ».
Dans l'énergie spirituelle Bergson va dans le même sens lorsqu'il écrit « conscience est synonyme de choix». Selon lui plus je dois faire un choix et prendre une décision plus ma conscience est vive et exaltée, tandis que lorsque je n'ai pas besoin de décider où le choisir ma conscience s'efface au profit d’un comportement mécanique et automatique ce qui montre bien que la conscience et le critère de la liberté.
$\textbf{Pour faire simple c'est parce que nous avons une conscience que nous pouvons choisir et c'est parce que nous pouvons choisir consciemment que nous sommes libres.}$
2. Conscience et choix : la responsabilité
Pour Sartre la conscience est ce qui me rend responsable du simple fait qu'elle m'offre le choix. Mais il s'agit de responsabilité universelle. En effet quand j'exécute un acte que j'ai choisi dans le but de devenir l'homme que je veux être je crée en même temps une image idéale de l'homme telle que j'estime qu'il devrait être en jugeant bon pour tous ce qui est bon pour moi. Par conséquent Sartre écrit dans l'existentialisme est un humanisme « quand nous disons que l'homme est responsable de lui-même nous ne voulons pas dire qu'il est responsable de sa stricte individualité mais qu'il est responsable de tous les hommes car en me choisissant je choisis l'homme».
$\textbf{Ici aussi on retiendra que c'est parce que nous sommes conscients aussi en sommes-nous responsables.}$
III. L'INCONSCIENT
A. Définition
1. L’inconscient
Formé à partir du mot conscience est employé pour la première fois en français au cours du 19e siècle le terme inconscient a dans la langue courante un double sens. Au sens
psychologique il qualifie ce qui est privé de conscience (évanouissement sommeil coma) ou ce qui ne fait pas l'objet d'une perception consciente (les réflexes). Au sens moral il qualifie un comportement irréfléchi dans lequel le sujet ne se rend pas compte du sens de ses actes ou de ses paroles (l'ivresse, troubles mentaux, la tendre enfance).
En philosophie le terme est un emprunt à la psychanalyse de Sigmund Freud. Il désigne l'ensemble des contenus mentaux mon présent dans le champ actuelle de la conscience en tant qu'ils s'intègrent dans des instances organisatrices de la vie psychique elle même si tu es au-delà de la conscience. La psychanalyse et la science de l'inconscient.
2. La psychanalyse
En 1922 Freud définit la psychanalyse comme :
1. Un procédé des investigations des processus psychique inconscient
2. Une méthode de traitement des troubles mentaux
3. Une théorie scientifique produisant de nouvelles connaissances sur l'homme
B. INCONSCIENT PHYSIQUE ET INCONSCIENT PSYCHIQUE
1. l'inconscient physique de Leibniz
Dans les nouveaux essais sur l'entendement humain Leibniz soutient l'idée selon laquelle « il y a une infinité de perceptions en nous mais sans aperception et sans réflexion ». L’aperception comme il l'écrit est « la conscience ou connaissance réflexive de l'état intérieur» et se distingue de la simple perception qui est lié à la sensation. Dès lors il écrit dans la monadologie, qu'il existe des « perceptions dont on ne s'aperçoit pas» parce qu'elles sont généralement trop petites et dont l'effet se fait sentir par leur assemblage. Par exemple le bruit de la mer se fait entendre parce que nous attendons la somme des bruits de chaque vague.
On peut appeler inconscient physique l'ensemble des petites perceptions qui échappe à la
conscience.
2. L'inconscient physique Freud
Inventé par Freud à la fin des années 1860 à partir de ses études sur l'hystérie et son auto￾analyse, l'inconscient psychique et le domaine de la psychanalyse. Il faut comprendre la psychanalyse à la fois comme théorie une pratique relative l'inconscient.
En tant que pratique la psychanalyse désigne selon Freud une certaine méthode de traitement des souffrances névrotiques. Grâce au cadre clinique de la cure psychanalytique on peut de prendre en charge les maladies mentales qui me sont plus des pactes avec une l'esprit malin ou la possession d'un individu par un esprit.
En tant que théorie elle désigne aussi la science des processus psychiques inconscients qui s'élabore à partir de l'expérience de la cure et constitue une discipline scientifique nouvelle.
Cela signifie que la psychanalyse fournit des connaissances nouvelles sur les mécanismes de la pensée et du comportement humain.
C. LE DIVORCE ENTRE LA PSYCHANALYSE ET LA PHILOSOPHIE
1. Contre le conscientialisme des philosophes
Bien qu'ils admettent que «la philosophie c'est sans doute occupée mainte fois du problème de l'inconscient», Freud ne cessera à toute sa vie de de dénoncer le conscientialisme des philosophes. Le conscientialisme des philosophes est leur tendance à tout ramener à la conscience. Selon lui les philosophes «ont identifié le psychisme avec le conscient et ont ensuite tiré de cette définition que l'inconscient n'était rien de psychique ».
Or ce que la psychanalyse dit au moi c'est ceci : « le psychisme en toi ne coïncide pas avec ce dont tu es conscient ; ce sont deux choses différentes que quelque chose se passe dans ton âme et que tu en sois par ailleurs informé».
Par conséquent « les philosophes ont émis un jugement sur l'inconscient sans connaître les phénomènes de l'activité psychique et inconscience » comme les rêves et leurs mécanismes les désirs et les fantasmes engagés dans les conflits névrotiques, la dynamique structurale du complexe d'Œdipe, ou les représentations sous-jacentes aux actes manqués en un mot ce que Freud reproche aux philosophes c'est leur méconnaissance de l'inconscient.
2. Contre l'inconscient des psychanalystes
Au cours du 20e siècle rares sont les philosophes qui ont su intégrer des découvertes psychanalytiques dans leur propre philosophie ou réfléchir sur les enjeux philosophiques de la psychanalyse. Les plus illustres contemporains de Freud comme Husserl et Bergson l'ont complètement ignoré, tandis que d'autres comme Alain et Sartre ont tenté d'en faire la critique.
Ainsi Alain affirme dans ces éléments de philosophie que «le freudisme si fameux est un art d'inventer en chaque homme un animal redoutable » car « il n'y a point de pensées en nous sinon par l'unique sujet je» c'est pourquoi « il ne faut point se dire qu'en rêvant on se met à penser. Il faut savoir que la pensée est volontaire.» pour Alain l'inconscient met l'homme au même degré que l’animal qui ignore les motifs de ses actes.
Sartre va dans le même sens car pour lui le recours à l'inconscient est une faute morale et une erreur grammaticale. Dans le premier cas recourir à l'inconscient reviendrait à se
responsabiliser, à nier la liberté fondamentale de l'être humain. Dans le second cas il faut se rappeler qu'il faut un sujet pour penser une pensée, la pensée ne peut se penser elle-même.
D. VERS UN SUJET PSYCHANALYTIQUE
1. la critique nitzschéenne du sujet
En 1890 Nietzsche dénonce l'imposture logico-grammaticale du cogito sur lequel se fonde toute la philosophie moderne de sujet conscient depuis Descartes. Selon Nietzsche « une pensée se présente quand elle veut et non pas quand je veux de telle sorte que c'est falsifier la réalité que de dire que le sujet je est la condition du prédicat pense ».
Autrement dit la prétendue certitude immédiate du cogito est une illusion qui repose sur la croyance à la grammaire c'est-à-dire sur la croyance que « penser soit une activité à laquelle il faille imaginer un sujet».
Selon Nietzsche la pensée ne peut se penser sans un sujet contrairement à la vision cartésienne selon laquelle c'est le je qui pense.
2. Le sujet divisé de Freud à Lacan
Dans une difficulté de la psychanalyse Freud explique que « le narcissisme universel l'amour￾propre de l'humanité a subi jusqu'à ce jour trois grandes vexations de la part de la recherche scientifique ». Après la vexation cosmologique de Copernic selon laquelle les hommes ne sont pas le centre de l'univers après la vexation biologique de Darwin pour qui les hommes sont issus de la lignée animale. La psychanalyse en révélant l'existence des processus inconscients à infliger au narcissisme humain une troisième vexation d'ordre psychologique : « le moi n'est pas maître dans sa propre maison ».
Cela signifie que le sujet est désormais conçu comme un sujet divisé le moi en est la partie consciente, tandis que la partie inconsciente comprend le ça qui est le réservoir des pulsions et le surmoi qui est les instances des interdictions et des idéaux. Ainsi comme l'affirme Lacan dans ces écrits non seulement « le moi n'est toujours que la moitié du sujet » on peut même parler d’un «sujet de l'inconscient ».
IV. CONCLUSION
En guise d'épilogue on peut rappeler que la conscience et une propriété qui nous permet de savoir ce que nous sommes et ce que nous faisons. Elle est reliée à la sensation (conscience empirique), ou encore à la pensée chez l'homme seulement (conscience réflexive). Elle fait de nous des sujets grâce à la pensée (Descartes) et à nos représentations (Kant). C'est aussi elle qui est le critère de la Liberté (Descartes et Bergson,), elle nous rend aussi responsables des autres de manière universelle (Sartre). Mais la conscience est battu en brèche pas les psychanalystes qui privilégient l'inconscient qui est en somme ce qui échappe à la conscience. Lui aussi peut être physique c'est-à-dire liée au corps (Leibniz) ou lié au psychisme (Freud). De ce fait la psychanalyse reproche aux philosophes de tout ramener à la conscience c'est-à- dire le conscientialisme (Freud) tandis que le reproche inverse est fait par les philosophes (Alain et Sartre). Le sujet ne serait plus maître de ses propres pensées (Nietzsche) il serait
même divisé (Freud et Lacan). Ce qui est réellement important ici c'est d’envisager que nous sommes déterminés à la fois par la conscience, l'inconscient, la société et notre conformation biologique. Il faut par conséquent travailler à renforcer notre conscience à travers l’éducation et la morale. Quoi que nous fassions nous en sommes d'abord tenus pour premier responsable. Ainsi il faut connaître l'inconscient pour arriver à minimiser son impact dans notre vie.
$\textbf{Citations}$
« Le nœud de la difficulté ce n'est pas de savoir si l’on existe mais ce que l'on n'est» Gassendi
« Ce n'est pas la conscience des hommes qui le termine leur être social c'est inversement leur être sociale qui détermine leur conscience» Karl Marx
« Toute conscience est d'ordre moral, plus qu'elle oppose toujours ce qui devrait être à ce qui est » Alain
« La psychanalyse, cette maladie qui se prend pour son remède » Karl Kraus
« Que l'homme est où n'est pas conscience de son appétit, c'est à petit notre demeure pas moins le même » Spinoza