Chapitre 1: L'ART ET LA TECHNIQUE - Philosophie Terminale D | DigiClass
User Picture
Vous

L'ART ET LA TECHNIQUE

I.  INTRODUCTION

L’œuvre d'art de $\textbf{Léonard de Vinci}$ Salvator Mundi est estimée de nos jours comme la peinture la plus chère du monde. Une personne a payé jusqu'à 450 millions de dollars pour l'acquérir. Une telle information suscite logiquement l'étonnement chez nous autres africains. Pourquoi payer une telle somme pour une peinture ? L'art a-t-il vraiment un prix ? Comprendre une œuvre d'art et l'estimer n'est pas une chose aisée. Par exemple une œuvre musicale peut être diversement appréciée. Un chanteur peut faire le plein d’un stade à lui tout seul tandis qu'un autre plus talentueux se verrait jeter à la face des tomates ou encore des pierres s'il lui venait à l'esprit de faire une prestation pour les gens de Colma ou Accartville. Apprécier une œuvre d'art ne relèverait pas sûrement de la beauté en elle-même mais peut-être que ce qu’on estime c'est toute la technique le savoir-faire de l'artiste, que son travail n’est à nul autre pareil, qu'il soit unique. On peut alors affirmer que l'art dépend de la technique utilisée et que la technique utilisée peut faire de l'objet une œuvre d'art. Comme on le voit ces deux notions semblent indissociables. Il faut alors comprendre ce qu’elles recèlent. Dans un premier temps il faudra définir l'art et la technique, ensuite définir le beau voir l’art et la nature, puis l'art et la création, et enfin envisager la peur de la technologie.

II.  DEFINITION

Du latin ars (talent, savoir-faire, habilité), le terme d'art s'applique primitivement à toute production issue de l’habileté humaine est obéissant à certaines règles d'exécution. A ce
titre l’art relève de l'artificiel par opposition au naturel.

À partir du 19ème siècle le terme d’art prend une signification plus restreinte en s'appliquant seulement aux reproductions des Beaux-Arts qui sont pour Hegel au nombre de
six (poésie, peinture, sculpture, danse, architecture, musique) le cinéma devenant au cours du 20e siècle le 7e art.

Du grec technê, l'adjectif technique désigne ce qui appartient à un domaine particulier, spécialisé de l'activité ou de la connaissance. On parle par exemple de technique de la philosophie ou encore de la médecine. Il désigne également ce qui concerne les procédés de travail plus que l'inspiration par exemple les techniques de la rédaction ou de la grammaire française. Quant au nom féminin technique, il renvoie familièrement à une manière de faire. Plus particulièrement la technique désigne l'ensemble des procédés utilisés pour produire une œuvre, pour aboutir à un résultat on parle de technique de la dissertation ou du commentaire.

III.  QU'EST-CE QUE LE BEAU ?

A.  L'essence du beau ou le beau en soi

Dans Hippias majeure, Platon pose la question « qu'est-ce que le beau ? » une telle question implique selon lui de rechercher ce qu'est le beau en soi ou l'essence universelle du beau c'est-à-dire « cette beauté qui s'ajoutant à une objet quelconque fait qu'il est beau, qu'il s'agisse d'une pierre ou de bois, d'un homme ou d'un dieu, d'une action ou d'une science».

B.  Beauté naturelle et beauté artistique

Alors que $\textbf{Platon}$ considère le beau comme ce qui s'applique indifféremment à toutes les choses belles, $\textbf{Hegel}$ établit une distinction et une hiérarchie entre le beau dans la nature et le beau dans l'art.
Selon lui « le beau artistique est plus élevé que le beau dans la nature» car « la beauté artistique est la beauté née et comme deux fois née de l'esprit.»

C.  Le jugement de goût et l'universalité du beau

Dans la critique de la faculté de juger $\textbf{Kant}$ appelle jugement de goût, la faculté d’apprécier un objet beau, c'est-à-dire qui procure une plaisir désintéressé et libre. En tant que telle puisque le plaisir qu'il procure « ne se fonde pas sur quelque inclination du sujet» alors, l'objet beau « doit contenir un principe de satisfaction pour tous ». Lorsque
quelqu'un dit qu'une chose est belle, il attribue aux autres la même satisfaction il ne juge pas seulement pour lui, mais pour autrui au sens où « ils exigent l'adhésion des autres ».
Par conséquent le beau est universel et comme il repose sur un principe esthétique et non sur un concept logique, Kant le définit ainsi : « est beaucoup ce qui plaît universellement sans concept ».

IV.  L'ART ET LA NATURE : LE PROBLÈME DE L'IMITATION

A.  L'esthétique classique et limitation de la nature

Dans la physique $\textbf{Aristote}$ écrit que « l'art imite la nature » ce qu'il précise dans la poétique en affirmant que les arts «sont tous d'une manière générale des imitations » : c'est
selon lui le cas de l'épopée, de la tragédie, de la musique ou de la peinture et secteur. Pendant des siècles les philosophes et les artistes ont ainsi considéré que la plus haute finalité de l'art était d'imiter le plus fidèlement possible la nature comme $\textbf{Zeuxis}$ qui peignait des raisins si réalistes que des oiseaux tentèrent de les picorer sur la toile.

B.  L'esthétique moderne et l'expressivité formelle

Dans son Esthétique, $\textbf{Hegel}$ est l'un des premiers à dénoncer l'art mimétique : «en voulant rivaliser avec la nature par l’imitation l’art restera toujours au-dessous de la nature et pourra être comparé à un ver de terre faisant des efforts pour égaler un éléphant ». La naissance de l'art moderne avec l'impressionnisme, le cubisme, l'art abstrait, le
surréalisme... va accomplir une véritable révolution. «L'art consiste à inventer et non à copier» selon les mots de $\textbf{Fernand Léger}$, l’art « doit être libre dans son invention, il doit nous enlever à la réalité trop présente».
Il ajoute encore dans les fonctions de la peinture que l'œuvre d'art moderne accorde plus d'importance au moyen formel qu'au sujet : « toute toile, même non représentative qui
procède des rapports harmonieux des trois forces: couleur, valeur, dessin, est une œuvre d'art».

V.  L'ART ET LA CRÉATION : LA FABRIQUE DE L’ŒUVRE D'ART

A.  L'inspiration en question

Dans Ion, $\textbf{Platon}$ écrit au sujet des poètes que « ce n'est pas par un effet de l'art qu'ils disent tant et de si belles choses, mais par l'effet d'une grâce divine» c'est-à-dire d'une
inspiration. En effet, « leurs poèmes sont des œuvre des dieux, les poètes n'étant de leur côté que les interprètes de ces derniers».
Cette théorie de l'inspiration qui alimente les clichés populaires sur la création artistique a été fortement remise en cause par les artistes mêmes. Ainsi dans sa poétique musicale le compositeur $\textbf{Igor Stravinsky}$ écrit « cet appétit qui s’éveille en moi à la seule idée de mettre en ordre des éléments notés n'est pas du tout, chose fortuite comme dans l'inspiration mais habituelle et périodique sinon constante comme un besoin de nature ».

B.  Le génie au travail

Dans humain trop humain, Nietzsche affirme que « c'est notre vanité, notre amour propre qui nous pousse au culte du génie : Car il nous faut l'imaginer très loin de nous en
miraculum pour éviter qu'il ne nous blesse pas». Autrement dit le meilleur moyen pour ne pas être pour toucher par le génie et de le croire intouchable.
L'activité du génie n'est pas différente de celle de l'inventeur mécanicien du savant astronome, dans tous les cas elle consiste en un travail passionné auquel tous les éléments du quotidien servent de matériaux.
C'est pourquoi «le génie me fait rien que d'apprendre à poser des pierres, puis à bâtir, rien que de rechercher des matériaux et de toujours les travailler».

VI.  LA PEUR DE LA TECHNOLOGIE

A.  La technologie est totalitaire

Dans l'homme unidimensionnel Herbert Marcuse affirme qu'«il n'est plus possible de parler de neutralité de la technologie, la culture, la politique et l'économie
s'amalgament dans un système omniprésent qui dévore ou qui repousse toutes les autres alternatives».
Autrement dit «l'appareil techniques de production » détermine toute la vie sociale et ne cesse d’étendre son pouvoir en instituant de nouvelles formes de contrôle. Ainsi la société technologique est un système de domination» où «la rationalité technologique est devenue une rationalité politique».

B.  L'homme au centre de la société technologique

Dans Du mode d'existence des objets techniques, $\textbf{Gilbert Simondon}$ critique « l'opposition dressée entre la culture et la technique »: la culture traite des objets techniques
soit comme de pures assemblages de matière dépourvus de vraie signification soit comme des robots animés d'intentions hostiles envers l'homme.
Pour $\textbf{Simondon}$ au contraire « l'homme est l'organisateur permanent d'une société des objets techniques qui ont besoin de lui comme les musiciens ont besoin du chef d'orchestre».

VII.  Conclusion

En guise d'épilogue on peut rappeler que l'art concerne les réalisations humaines dans un aspect esthétique, et la technique un ensemble de procédés. Pour comprendre ce qu'est le beau on peut retenir qu'il est une propriété des objets (Platon), ensuite que ce qui est beau n'est pas dans la nature mais dans les mains de l'artiste (Hegel), le beau doit être universel et sans concept (Kant). Le débat se pose alors sur le lien entre l'art et la nature, on peut penser que l'art consiste en une imitation de la nature (Aristote) ou que l’art consiste non pas à imiter le beau mais à l’inventer (Hegel). Dans la création, la question de l'inspiration est en cause. Cette inspiration peut venir des dieux (Platon), d’un besoin de s’exprimer (Stravinsky) ou naître du travail de l'artiste (Nietzsche). Ce qui peut expliquer la peur de la technologie c'est son omniprésence dans nos sociétés (Marcuse) aussi l'homme doit-il en être le maître le chef d'orchestre (Simondon). Il importe ainsi de comprendre et d'accepter les différences de goûts en matière d'art. De comprendre également que l’œuvre d’art peu importe l'intention doit être belle ou encore bien exécutée. On peut penser ainsi à Spinoza qui disait que « ce n'est pas parce qu'une chose est belle qu'on la désire mais c'est parce qu'on la désire qu'elle est belle».

$\textbf{Citations}$
« L'Art est ce qui se révèle à la conscience la vérité sous forme sensible. » Hegel
« L'art de l'artiste désigne « toute production de la beauté par les œuvres d'un être conscient » Lalande
« L'art a plus de valeur que la vérité » Nietzsche
« La belle représentation d'une chose n'est pas la représentation d'une belle chose » Kant
« Le beau n'est véritablement beau que quand il participe de l'esprit et est créé par lui » Hegel
« Le but de l'art est de révéler la vérité, de représenter d'une façon concrète et figurée ce qui s'agite dans l'âme humaine » Hegel
« Le beau est ce qui est représenté, sans concept, comme l'objet d'une satisfaction universelle » Kant