LOGIQUE ET MATHEMATIQUES
I. INTRODUCTION
‘’Ecouter, c’est mathématique !’’ ; ‘’Mais enfin, c’est la pure logique !’’ Voici des propos souvent entendues lors des conversations et qui montrent que l’interlocuteur se donne raison et pense pouvoir le prouver. De tel propos traduisent par ailleurs non seulement la confiance que l’on accorde à la logique et aux mathématiques, mais aussi la synonymie que l’on établit, à tort ou à raison, entre elles. Dès lors, l’on est en droit de se demander : qu’est-ce qui confère aux mathématiques et à la logique une telle crédibilité ? Quel peut être le role des mathématiques dans la connaissance du monde ? Quels rapports entretiennent-elle avec la logique ? Mais tout d’abord qu’est-ce que les mathématiques et quelle est leur origine ?
II. LES MATHEMATIQUES
A. Définition
Les mathématiques sont des sciences formelles ou des sciences hypothético-déductives à la différence des sciences expérimentales. Il reste à savoir qu’il y a la mathématique et les mathématiques. La mathématique renvoie au champ global auquel la science mathématique s’intéresse. René DESCARTES (1596 - 1650) la définit comme la science de l’ordre et la mesure.
Quant aux mathématiques, elles désignent les branches composantes de la mathématique. C’est par exemple l’algèbre, l’arithmétique (science des nombres), la géométrie (science des figures, des lignes, des volumes, des surfaces), l’analyse, la statistique, la probabilité, la trigonométrie, la topologie, etc.
B. Origine des mathématiques
1. Origine empiriste et idéaliste
La question de l’origine des mathématiques oppose empiriste et rationalistes :
Pour l’empirisme, les notions mathématiques, comme toutes nos connaissances, sont directement tirées de l’expérience sensible et les mathématiques sont une science d’observation. Ainsi, John Stuart MILL (1806-1873) déclare-t-il : « Les points, les lignes, les cercles que chacun de nous a dans l’esprit sont de simples copies des points, des lignes, des cercles qu’il a connu dans l’expérience ».
Contrairement aux empiristes, les idéalistes pensent que les concepts mathématiques relèvent non pas de l’expérience, mais d’un autre monde idéal accessible par la pensée. Telle est la position de PLARON (417-347 av J.C) dans sa fameuse distinction entre monde intelligible et monde sensible. Celui-ci nous invite à réfléchir sur les êtres mathématiques pour saisir la différence entre le sensible et l’idée. Prénoms l’exemple des figures géométriques que sont le triangle et le cercle. Même si toutes les figures triangulaires et circulaire du monde disparaissaient, l’idée du triangle et celle du cercle sont indestructibles.
2. Origine opératoire
Les notions mathématiques ne dérivent ni des choses perçues comme le conçoivent les empiristes, ni des idées contemplées comme le pensent les idéalistes, mais naissent à la suite d’une action. Ce sont des instruments inventées dans le but d’une action. Elles sont des outils servant à des opérations. Ainsi, la géométrie est-elle née de l’arpentage (technique de mesure des terres) des égyptiens au bord du Nil. L’arithmétique a ses racines dans les échanges commerciaux. La forme des chiffres romains rappelle l’époque où l’on comptait encore sur les doigts (I, II, III, V, X). Le domaine des mathématiques, selon la thèse opératoire, est le domaine du concret, mais les mathématiques tendent de plus en plus vers l’abstraction ; ceci dans le souci d’être plus efficaces. C’est ce qui explique les nombres imaginaires ou les incommensurables [comme $ \sqrt{2} $ ; $π$ ; $f{(x)}=x^2-3x+5$ ou $h{(x)}=\frac{-b+\sqrt{b^2-4ac}}{2a}$ ]. Quant aux nombres négatifs, ils sont apparus à cause des dettes et des inversions de direction.
C. L’axiomatique
L’axiome dérive du grec ‘’axioma ‘’ (considère comme digne, évident en soi). Il désigne une proposition non démontrée et qui sert de fondement à un système de démonstration. Pour EUCLIDE (IIIè siècle av. J.C.), il est « une affirmation qu’on considère comme évidente et qui n’a nul besoin de preuve ». On a par exemple : ‘’Par un point pris hors d’une droite, on ne peut mener qu’une seule droite parallèle’’. En mathématique, l’axiome est utilisé pour désigner une vérité première à l’intérieur d’une théorie. Et l’ensemble des axiomes d’une théorie est appelé axiomatique ou la théorie axiomatique. Cette axiomatique doit être non contradictoire ; autrement-dit l’axiome ne peut être remis en cause à l’intérieur de cette théorie.
Les mathématiques ont pour principe la démonstration. Celle-ci consiste à rattacher par un lien nécessaire une proposition à d’autre déjà connues ou admises que sont les axiomes ou les postulats. LEIBNIZ (1646-1716) résume la démonstration en ces termes : « Une démonstration n’est pas autre chose d’une vérité en d’autre vérité déjà connues ». Des lors, les mathématiques apparaissent comme une gymnastique intellectuelle (jeu d’esprit) hautement formalisée à travers laquelle, il faut faire de simples rattachements.
III. LA LOGIQUE
A. Définition
De son étymologie grecque $\textbf{‘’logos’’}$ (discours, science ou pensée), la logique est l’étude des conditions de validité du raisonnement ou science du raisonnement. André LALANDE la présente comme « la science ayant pour objet de déterminer, parmi les opérations tendant à la connaissance du vrai, lesquelles sont valides et lesquelles ne le sont pas ». C’est ARISTOTE (384-322 av. J.C) qui en est le père fondateur à travers la théorie du syllogisme. Un syllogisme est un raisonnement constitué de trois (03) propositions construites de telle sorte que les deux (02) premières ou prémisses étant posées, la dernière ou conclusion s’en déduit nécessairement. C’est une opération par laquelle on part du rapport de deux (02) termes à un troisième pour conclure leur rapport mutuel.
$\textbf{Exemple de syllogisme :}$
Tous les hommes sont mortels (la permisse majeure)
Or, Socrate est un homme (permisse mineure)
Donc, Socrate est mortel. (la conclusion)
L’objet de la logique n’est pas la vérité matérielle des propositions, mais leur vérité formelle, c’est-à-dire la validité de leur enchainement. En clair, le but de la logique consiste à voir dans quelle mesure un discours est cohérent ou pas, si on s’y contredit ou pas. En logique, un discours contradictoire est taxé d’invalidité ; tandis qu’un discours non contradictoire est jugé valide. L’essentiel en logique n’est pas de savoir si ce que nous disons est vrai, mais de savoir si ce que nous disons est cohérent, si les conséquences que nous tirons à la fin de notre discours contredisent pas les principes que nous posons au préalable. Suivons ces deux (02) raisonnements :
$\textbf{Raisonnement A :}$ $\textbf{Raisonnement B :}$
Tous les mammifères sont des vertébrés Tous les poissons sont des dieux
Or, le chat est un vertébré Or, mon chien Médor est un poisson
Donc, le chat est un mammifère. Donc, Médor est un Dieu.
Le raisonnement B est correct, donc valide ; mais on voit bien que chacune de ses propositions est fausse. Par exemple, le poisson n’est pas un dieu. Par contre dans le raisonnement A, chaque proposition est vrai mais le raisonnement en lui-même n’est pas correct. Pour être correcte, il aurait fallu dire :
Tous les mammifères sont des vertébrés
Or, le chat est un mammifère
Donc, le chat est un vertébré.
B. Les différents types de logiques
1. Logique classique
La logique classique se fonde sur la logique aristotélicienne (le principe d’identité – le principe de non contradiction – le principe du tiers exclu). Dans la logique classique, on ne peut pas affirmer une proposition et la nier en même temps. Comme le remarque ARISTOTE : « Il est impossible que le même attribut appartienne et n’appartienne pas en même temps, au même sujet et sous le même rapport ». Ainsi on ne peut pas dire : ‘’cet homme est vivant et mort’’ ; ‘’cette eau est chaude et froide’’. Cela revient à dire que deux contradictions ne peuvent être vraies ensemble. Il y a une qui est nécessairement fausse. Inversement, deux contradictions ne peuvent être fausses ensemble ; il y a une qui est nécessairement vraie. Le principe selon lequel il y a un milieu entre P et non P est exclu.
$\textbf{« Jacques est un grand et petit »}$ (Proposition logique ou contradictoire ?)
$\textbf{« Jacques est grand par rapport à Pierre, et petit par rapport à Moussa »}$ ( Proposition logique ou contradictoire ?)
2. La logique dialectique
A la différence de la logique classique qui est régie par l’identité et la non-contradiction, la logique dialectique est un processus vivant à travers lequel il y a affrontement entre l’affirmation et la négation, entre le pour et le contre ; ceci dans la mesure ou le réel n’est pas statique, mais dynamique. Pour la logique dialectique, le ‘’même’’ peut à la fois être affirme et nie dans le même temps et sous le même rapport. Il devient donc possible d’affirmer que ‘’cette eau est chaude et froide’’ (pour dire qu’elle est tiède). La vérité n’est donc plus exclusive comme dans la logique classique, mais inclusive. La logique dialectique intègre la contradiction qui n’est plus une menace pour la raison, mais une richesse.
3. La logique symbolique
A la différence de la logique ordinaire qui se fonde sur l’usage des mots, la logique symbolique se sert de symbole ou de signe pour exprimer les opérations logiques sous forme de calcul. Son objectif est de nous épargner les ambiguïtés du langage ordinaire afin de réduire les désaccords. A l’époque contemporaine, la logique prétend exprimer les termes, les propositions par des symboles simples et veut ramener les opérations logiques à des calculs s’effectuant selon des règles précises. Les lois logiques s’expriment par des équations. Toute proposition complexe se décomposera donc en proposition élémentaires :
Je mange et je bois |
Je mange ou je bois |
Si je mange alors je bois | ||||||||||||||||||||||||
mange et bois
|
mange ou bois
|
mange alors bois
|
||||||||||||||||||||||||
Pour que la proposition soit vraie,il faut que d'une part P soit vraie et que d'autre part Q soit vraie |
Ici, "OU" a un sens exclusif.La proposition n'est fausse que si les 2 propositions élémentaires sont fausses toutes les 2. |
Il suffit d'un seul cas ou je mange sans boire pour que l'implacation soit fausse. |
C. Quelques formes de raisonnement
- La déduction
On l’appelle aussi individuation. Elle est un raisonnement qui va du général au particulier. Est déductif le raisonnement ou l’on tire des conséquences en partant d’un principe ou d’une hypothèse. En voici un exemple : « Si l’on admet que tous les mossi sont les hommes courageux et que Wambi est un mossi, on peut alors logiquement conclure que Wambi est un homme courageux ».
La critique que l’on formule le plus souvent contre la déduction est qu’elle est tautologique. Elle n’apporte rien de nouveau à ce que les prémisses ont posées. C’est pourquoi Gottfried Wilhem LEIBNIZ (1646-1716) affirme : « Une démonstration n’est pas autre chose que la résolution d’une vérité à d’autres vérités déjà connues ».
- L’induction
Aussi appelée généralisation, l’induction consiste à généraliser à partir de cas particuliers. Lorsqu’on a vérifié qu’un certain nombre d’individus possèdent effectivement une propriété, on peut conclure que l’ensemble des individus possède cette propriété.
Exemple : Les végétaux, les animaux et les hommes sont tous des êtres vivants. Donc, tous les êtres vivants respirent.
- L’analogie
Une analogie est un processus par lequel on établit un rapport de similitude entre deux (02) choses différentes. La comparaison entre deux routes tortueuses n’est pas une analogie, car il s’agit de deux objets de même type : c’est une simple ressemblance. En revanche, dire qu’une route serpente est une analogie car on perçoit ici la similitude entre deux choses de nature différente.
L’analogie a un role important dans le raisonnement car elle permet de reporter des résultats qui sont connus dans un premier domaine vers un second, et cela de manière efficace.
- Le raisonnement par l’absurde
Le raisonnement par l’absurde est une façon de raisonner qui consiste à démontrer la vérité d’une proposition en prouvant l’absurdité du contraire de celle-ci. Il s’agit de démontrer qu’une proposition est vraie, non pas directement mais indirectement, en faisant voir que la proposition contraire est absurde.
Admettons que nous ayons par exemple à démontrer que la proposition (P) est vraie. La démarche consiste à supposer que la proposition (non P) mène à une contradiction. Ainsi la proposition (P) ne peut pas être fausse ; elle doit donc être vraie. Le raisonnement par l’absurde, même s’il est cohérent, n’est légitime que lorsqu’il n’y a que deux (02) propositions contradictoires possibles, dont l’une est nécessairement vraie et l’autre fausse ; dans le cas contraire, ce type de raisonnement devient un pur sophisme s’appuyant sur un faux dilemme.
- La méthode des essais et erreurs
Elle est à la fois une méthode d’apprentissage et une méthode de raisonnement mathématique. En mathématique, elle consiste à essayer différentes valeurs possibles pour la variable et à vérifier si celle-ci sont des solutions de l’équation. Concrètement, il s’agit de choisir aléatoirement des valeurs pour la variable et on vérifie pour savoir laquelle de ces valeurs correspond à la solution de l’équation.
Exemple : Cherchons la valeur de x dans l’équation $2x^2-3x=2$
De façon aléatoire on remplacera successivement $x$ par 0, 1, 2, 3, … pour trouver la valeur de $x$.
S’il est vrai que cette méthode est simple à effectuer, elle a cependant des inconvénients en ce sens qu’elle est longue et aléatoire.
IV. VALEUR ET LIMITES DES MATHEMATIQUES
A. La crédibilité des mathématiques
En établissant des règles de raisonnement, la logique mathématique a joué un role décisif dans la constitution d’une pensé rigoureuse. Grace à ARISTOTE, des règles valides du fonctionnement de l’esprit sont dégagées.
En outre, les définitions mathématiques ne sont d’une valeur moindre. Contrairement aux définitions empiriques qui sont descriptives, les définitions mathématiques sont créatrices. Le naturaliste par exemple qui définit l’oiseau ne crée pas l’oiseau. Il découvre dans la nature. Au contraire, le cercle ne désigne pas un objet dans la nature mais c’est la définition du cercle qui crée le cercle. Définir le cercle comme la figure décrite par un point en mouvement dans le plan, toujours à égale distance d’un autre point appelé centre, c’est définir et créer le cercle.
Par ailleurs, nous pouvons signaler la fécondité et la richesse du raisonnement mathématique. Contrairement au syllogisme ou à la conclusion est toujours stérile, le raisonnement mathématique est fécond et enrichissant dans sa conclusion. Il s’agit d’un raisonnement opérationnel, actif et constructif. Pour construire, le mathématicien doit trouver des règles opératoires d’où la place de l’intuition divinatrice. Le génie mathématique consiste non pas à prouver mais à trouver, c’est-à-dire trouver des artifices opératoires.
Ajoutons que les mathématiques constituent aujourd’hui un instrument de la connaissance du mode. En effet, elles servent de langue a toutes les sciences, c’est-à-dire qu’elles sont une langue universelle couramment parlée par les physiciens, les chimistes et plus récemment par les biologistes, les psychologues et les économistes connaitre apparait alors synonyme de mesurer et toute science mesure sa scientificité a son degré de mathématisation par exemple, la physique moderne doit son objectivité a sa mathématisation au regard de l’importance des mathématiques dans la connaissance du réel, GALILEE (1564-1642) dira que l’univers est : « cet immense livre écrit dans la langue mathématique ».
B. Les limites de la logique mathématique
Au regard de la nature hypothético-déductive des mathématiques, le philosophe et mathématicien anglais Bertrand RISSELL (1872-1970) disait qu’en mathématiques, « on ne sait ni de quoi on parle, ni si ce que l’on dit est vrai ». En effet, les systèmes mathématiques ne poursuivent ni la vérité ni fausseté, mai validité. Cela fait quelle sont souvent difficiles d’accès car abstraites. Ajoutons que les propositions mathématiques sont des propositions don la valeur de vérité n’est pas absolue. Leur valeur est, en effet dépendante de l’acceptation première d’axiomes ou de postulats.
Aussi, il demeure des difficultés à appliquer les principes de la logique a la réalité concrète. C’est le cas de la logique classique qui exclue la contradiction tout en oubliant que le réel est mouvant et complexe ; il y a notamment le devenir, le changement, le possible ; par exemple entre la vie et la mort il y a le coma.
En plus, l’efficacité des mathématiques se réduit-elle dans « les sciences de plus en plus complexes », notamment les sciences humaines. Les réalités humaines se prêtent peu à peu à la mesure ; c’est particulièrement les domaines religieux et effectifs, les états ou les cas de conscience, le monde vécu des qualités sensibles. Ce domaine, ARISTOTE (384-322 av. J-C) le nomme domaine de la contingence ou domaine des affaires humaines (aujourd’hui : le probable). Les vérités religieuses sont bien et souvent en contradiction avec la logique. Annoncer par exemple que Jésus est né d’une vierge, cela semble étrange nouvelle aux antipodes de la logique biologique. Tout soumettre à la rigueur logique ou mathématique, c’est risquer d’appauvrir la complexité et la richesse du réel comme le dit Blaise Pascal 1623-1662, « le cœur a ses raisons que la raison ne connait point ».
V. CONCLUSION
Il s’agit pour nous d’examiner la logique et les mathématiques qui sont des sciences formelles dont le but est de discipliner notre discours ; et cela par la cohérence dans le raisonnement. Le rapport entre la logique et les mathématiques s’explique par le fait que les mathématiques empruntent à la logique les raisonnements de type réductif et inductif. Autrement dit, l’apport de la logique a consolidé le raisonnement mathématique par l’élaboration du théorème cohérent et rigoureux. La logique, de son coté, a recourt aux mathématiques pour rendre les propositions plus compréhensibles. Malgré leurs insuffisances, les mathématiques transmettent aux autres sciences la rigueur qu’elles tiennent de la logique. C’est peut-être ce qui fait qu’elles ont toujours joui d’un prestige sans faille. En outre, on constate que les systèmes mathématiques sont adéquation avec le réel. D’où vient cette adéquation ? Voici le fait mystérieux. PLATON, pour sa part, pensait que « Dieu toujours fait de la géométrie ».